Bodhidharma et le temple de Shaolin (l'origine mythique)

En 480 ou 520, un moine nommé Bodhidharma quitta l’Inde pour s’installer dans le monastère Shaolin dans le nord de la Chine.

La tradition affirme que les bonzes, faméliques parce que mal nourris, ne pouvaient supporter l’immobilité que leur imposait la méditation. Bodhidharma se souvint alors de diverses formes gymniques, plus ou moins guerrières, qu’il avait étudiées pendant son jeune âge sous la direction de son père. Ce dernier était en effet, en plus d’être roi, un haut initié de la caste des kshatriya et connaissait donc l’art du combat, proche de ce qui est, actuellement en Inde, le kalaripayat. Il mit donc au point une méthode connue sous le nom évocateur de « Nettoyage des muscles et des tendons, purification de la moelle et des sinus », le yijing kingyi suijing, parfois écrit i chin ching, méthode connue également sous les dénominations de shi ba lo han she (shih pa loran sho) et de ekkinkyo (ekki kin kyo jya) en japonais.

Cette méthode mi-gymnique, mi-martiale provoqua de nombreuses réactions, puisqu’elle était considérée par certains comme étant à l’origine même des diverses pratiques martiales réputées du monastère de la Petite Forêt, donc de la plupart des arts martiaux chinois, et ce faisant des origines profondes des arts martiaux japonais (bujutsu et budō).

La diffusion de ces enseignements a été possible lors de l’invasion du temple Shaolin qui a forcé les moines à fuir dans toute la Chine et donc à diffuser ces techniques, y compris aux delà des frontières par le biais d’échanges. De nos jours, beaucoup de styles se disent toujours d’inspiration Shaolin.

Selon la tradition bouddhique, Bodhidharma serait le 28e descendant de Bouddha et le fondateur du chán (zen en japonais), bouddhisme influencé par le taoïsme et le plus répandu en Chine (à l’exception du Tibet et de la Mongolie-Intérieure), enrichi par la culture coréenne avant d’arriver enfin au Japon.

D'Okinawa au Japon

Après avoir été importé de Chine, le karaté a été développé et perfectionné dans le royaume de Ryūkyū, principalement à Okinawa. Les plus grands experts de la fin du xixe siècle et du début du xxe, dont Hanashiro Chomo, Chotoku Kyan, Azato Yasutsune (le premier maître de Funakoshi), Kentsu Yabu, Ankō Itosu (le second maître de Funakoshi), Chibana Chōshin (l’un des condisciples de Funakoshi), Gichin Funakoshi, Kanryō Higaonna, Chōjun Miyagi (disciple du précédent), Kenwa Mabuni (autre condisciple de Funakoshi), entre autres, sont tous originaires d’Okinawa. À part Kanryō Higaonna et Chōjun Miyagi, son disciple et successeur, tous les autres, sans exception, sont des disciples, directs ou indirects, de Sokon Matsumura (1809-1896).

Il n’y a pas de traces écrites de la transmission de ces techniques à Okinawa, qui est le berceau du karaté tel qu’il est pratiqué aujourd’hui. Mais ce dont on est sûr, c’est que ces techniques ont été importées en grande partie de Chine, la culture d’Okinawa étant encore plus sinisée que la culture japonaise. Les Okinawaïens avaient aussi des techniques martiales qui leur étaient propres, comme la rotation axiale du poing dans les coups de poing et les blocages.

En 1409, le roi Sho Hashi unifie les territoires d’Okinawa. Sous son règne se développe l’art du ti (ou te, ou di), cependant déjà présent chez les classes guerrières et nobles. Deux cents ans plus tard, soit en 1609, l’invasion de l’île par le clan Satsuma appauvrit la noblesse okinawaïenne, la contraignant à exposer une de ses dernières richesses : le te. Les armes sont encore confisquées par le nouveau gouvernement japonais ; cependant, les armes à feu ayant supplanté les armes blanches, l’autorité se soucie peu du contrôle des villageois. L’art martial des îles Ryūkyū (Ryūkyū no ti ou te) existait déjà, mais était enseigné en vase clos et n’est pas apparu à cette période. Aucune source historique ne justifie la pose arbitraire de la création du te à cette date : les classes paysannes ne repoussaient pas des samouraïs en armure et équipés d’armes à feu à mains nues et n’avaient pas accès au savoir du te. En revanche, les classes de guerriers, de la police, de l’administration (peichin) ou des nobles participent au développement du te. On remarque que les maîtres de cet art sont tous d’origine sociale aisée (marchands, nobles, officiers), pratiquant de ce fait entre eux.

Pour ces raisons, les classes aisées d’Okinawa ont adapté les méthodes de combat chinoises reprises sous le nom de Okinawa-te (nom donné au tō-de à partir de la seconde moitié du xixe siècle, en réaction à la domination japonaise) en développant des techniques de combat à mains nues. Te signifiant « main », Okinawa-te signifiait donc les techniques de combat à mains nues d’Okinawa. Dans le dialecte okinawaïen (uchinaguchi), le terme tōdi était également employé.

La dénomination "karaté"

Comme dit plus haut, le karaté vient du Japon. Cet art de combat était connu à Okinawa sous le nom de tō-de depuis le xve siècle jusqu’à la fin du xixe siècle, puis d’Okinawa-te.

En 1935 ou 1936, le 25 octobre, les grands maîtres d’Okinawa ont organisé une « assemblée générale » pour décider de la politique à adopter pour favoriser le développement de leur art et en faciliter la reconnaissance et la diffusion au Japon. C’est lors de cette réunion que, à cause de la montée du nationalisme japonais et surtout de l’antagonisme sino-japonais du fait de la guerre récente entre les deux pays, perdue par la Chine, mais aussi pour montrer leur « japonisation », qu’ils ont décidé de modifier l’idéophonogramme et le pictogramme 唐手 (« main de la dynastie Tang ») qui étaient prononcés tō-te en okinawaïen et « karaté » en japonais par l’idéophonogramme et le pictogramme 空手 (« main vide » dans le sens bouddhique de vacuité) prononcés également « karate », suivant en cela les préconisations de l’un d’entre eux, Hanashiro Chomo, qui avait déjà fait cette modification en 1905.

Envoyé près de 15 ans plus tôt par les mêmes pour satisfaire la demande de Jigorō Kanō, Gichin Funakoshi, venu faire une démonstration, est resté au Japon pour enseigner le karaté. Jigorō Kanō lui apporta son aide pour s’installer et a adopté à son tour cette modification.

Depuis 2005, la préfecture d’Okinawa et les fédérations locales, célèbrent le 25 octobre comme « la journée du karaté », Karate no hi.